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La liberté d’abstention.

La liberté d’abstention.

Dimanche soir, tout commencera un peu avant l’heure des résultats officiels.
Un premier chiffre sera commenté, analysé, manipulé comme un objet inerte et sans vie. Ceux qui auront perdu en abuseront toute la nuit. Ceux qui auront gagné l’auront oublié dès l’annonce de leur victoire. Ce chiffre, c’est celui de l’abstention. Dimanche soir, elle fera plus de voix que le FN, le PS et LR réunis et deviendra dès lors le « premier parti de France ».

Ce n’est pourtant pas faute d’essayer de les intéresser, les déserteurs de la démocratie. Matin, midi et soir, interviews, débats, polémiques et meetings animent les directs de nos radios et de nos télés ; l’Internet pullule d’articles et de commentaires nous exhortant à faire un choix ; l’homme politique lui-même s’est mué en bête de foire prêt à donner son avis sur tout et n’importe quoi – football, saucisson, crèches de Noël, etc. Tout est bon pour nous envoyer glisser notre bulletin dans l’urne. Mais rien n’y fait, les électeurs continuent de s’abstenir.

Que la droite l’emporte, que la gauche crée la surprise ou que l’extrême-droite écrase ses rivaux, quel que soit le résultat, on n’hésitera pas à s’en prendre une fois de plus à ces irresponsables abstentionnistes et leur soi-disant je-m’en-foutisme électoral. On dira qu’ils font le jeu du FN, on criera à la honte, on en appellera au devoir citoyen. On dira n’importe quoi et surtout, surtout !, on oubliera de comprendre comment nous en sommes arrivés là.

Journalistes obsédés par l’audimat, politiques plongés dans les sondages, militants abrutis par
les fantasmes de victoire, n’avez-vous pas songé une seconde que les électeurs en avaient peut-être tout simplement marre ?
Marre des renoncements et des promesses non tenues.
Marre des erreurs jamais assumées et de l’hypocrisie érigée en valeur démocratique.
Marre des mêmes têtes dirigeantes depuis dix, vingt, trente ans.
Marre des querelles de cour d’école sur les plateaux télé.
Marre de la peoplisation des politiciens.
Marre de la communication à outrance, des éléments de langage, des petites phrases et des polémiques sans lendemain.
Marre des lois votées à la va-vite après chaque fait-divers.
Marre des grandes valeurs républicaines toujours glorifiées, jamais respectées.
Marre des entorses à la démocratie et des sondages qui font les élections à l’avance.
Marre de l’increvable chômage de masse.
Marre de l’inévitable précarisation de nos vies.
Marre du délitement social qui se propage et de la haine qui s’installe.
Marre du vote blanc inopérant.
Marre de devoir toujours voter contre, jamais pour.

Puisque voter n’est pas un devoir mais un droit, nous avons le droit de ne pas choisir entre la peste et le choléra. Nous avons le droit ne pas soutenir ceux qui, par leurs errances, leurs calculs et leurs renoncements ont mis le pays dans cet état. Nous avons aussi le droit de ne pas encourager ceux qui pourraient faire pire en développant la xénophobie, le clientélisme et les atteintes à nos libertés.

Et lorsque l’abstentionnisme aura fait couler ces partis sans avenir, lorsqu’en nous en aurons fini avec cette mascarade qui nous sert de démocratie, peut-être pourrons-nous retourner aux urnes.

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Dimitri KANTCHELOFF

Remerciements à Aurel


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