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LIBRES PAROLES : CÉCILE BERTRAND, un humour qui frappe toujours au centre de sa cible.

LIBRES PAROLES : CÉCILE BERTRAND, un humour qui frappe toujours au centre de sa cible.

En choisissant « Caricatures et société » pour son mémoire de fin d’études d’art, Cécile Bertrand a dessiné le fil de son avenir de caricaturiste politique. Mais pour en arriver là, il lui a fallu du temps, chercher sa voie et balayer les obstacles dus à sa condition de femme.

 

« LE RIRE PRÊTE À TOUT ET ON PEUT RIRE DE TOUT. » Cécile Bertrand

largelargeCécile Bertrand est née à Liège en 1953. Après des études de peinture, elle s’installe comme peintre et sculptrice, expose en Belgique, à Paris ou encore à Bruxelles, puis commence une carrière d’illustratrice en publiant des livres pour enfants dans de nombreuses maisons d’éditions (Seuil, Nathan, Lothrop à New York, Agertoft au Danemark, Standaard Uitgeverij, La Martinière, Pastel-Ecole des loisirs etc.).

Après la chute du mur de Berlin en 1989 qui lui est un choc, elle se lance dans le dessin de presse et collabore à partir de 1990 à différents journaux et revues nationaux et internationaux.

Cécile Bertrand est une femme engagée. Elle sait exactement comment provoquer le rire en pointant une plume acérée sur des faits d’actualité brûlante et même si la liberté d’expression n’est pas aussi grande qu’elle le voudrait, elle aborde allègrement les thèmes les plus risqués.  Sa plume incise les travers du monde politique et soulève avec une redoutable efficacité les questions les plus sensibles des droits des femmes.

La couleur est un élément important de ses dessins. Elle accompagne son trait précis, sobre, élégant. Les mots ne sont pas toujours nécessaires, tant l’image est significative. Vraie artiste, on reconnait « la patte » de la plasticienne qu’elle a toujours été. 

Cécile Bertrand, qui participe à l’exposition itinérante « Au bout du crayon, les Droits des Femmes » a bien voulu répondre à mes questions. Merci à elle.

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Heliane Bernard pour Le Crayon – Cécile Bertrand, pouvez-vous nous expliquer par quel cheminement vous en êtes venue à la caricature engagée ?

Cécile Bertrand – En 1976, à la fin de mes études artistiques (peinture de chevalet) j’ai choisi de faire mon mémoire sur « Caricature et société », ce qui était assez loin de la peinture traditionnelle! Pour moi cela a été les prémices de mon engagement politique (j’ai fait partie en 1977 des « Amis de la Terre (Belgique)» qui ont donné naissance plus tard au mouvement Ecolo. En rédigeant ce mémoire, j’ai remarqué le manque cruel de caricaturistes femmes, uniquement Claire Brétécher, pour le monde francophone d’après ce que j’avais pu voir… J’ai ensuite fait des livres pour enfants puis, en 1989, la chute du mur de Berlin m’a touché au plus haut point, ce basculement de l’histoire, comme je le voyais à cette époque. J’ai fait plein de cartoons que j’ai présenté au Vif/L’Express et… j’ai commencé à travailler pour eux, pendant de longues années, ensuite au quotidien La Libre Belgique, jusqu’à il y a peu.

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largelargeH.B. – Dans ce milieu, avez-vous eu l’impression de solitude ? Quelles difficultés avez-vous rencontrées pour vous imposer là où les hommes sont largement majoritaires ?

Cécile Bertrand – Oui, bien sûr, je me sentais seule…ma rédaction était majoritairement masculine, j’avais tout le temps l’impression d’être attendue au tournant. L’humour, c’est (c’était à cette époque) le domaine des hommes. Ni les femmes, ni surtout les hommes n’étaient prêts à entendre ou lire l’humour des femmes. Donc, à priori aucun public pour nous les femmes.

H.B. – Votre point de vue de femme est-il si différent de celui des caricaturistes hommes ? Qu’apportez-vous de fondamentalement différent ?

Cécile Bertrand – Au début de mon travail en 1990, je pensais que j’apportais un brin de poésie, de symbolisme à la caricature, mais au fur et à mesure, j’ai vu que les hommes s’emparaient aussi de cette forme d’humour, plus doux, plus sensible, plus subtil…

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H.B. –  Y-a-t-il, selon votre expérience des thèmes récurrents chez les caricaturistes femmes ?

Cécile Bertrand – Les thèmes récurrents m’ont été imposés par les hommes en place dans les rédactions ou dans les maisons d’édition. « Oui, d’accord, mais toi, Cécile, tu es plus proche du social, on va faire un recueil sur les femmes » Ce que j’ai fait jusqu’à ce que cela me gonfle. Et j’ai dit « mais m…, je fais le même métier que les hommes et on me ramène chaque fois à mon statut de femme !!!!!! » Alors, j’ai eu un premier recueil de mes dessins politiques, puis un second, mais pas du tout aidée par la communication qui devait les faire vivre…

largelargeH.B. –  Vous arrive-t-il de vous autocensurer ?

Cécile Bertrand – J’ai été beaucoup censurée. La religion, la pédophilie, encore plus si c’est les deux ensemble, ou encore Israël et Palestine…je n’ai pas eu besoin de m’autocensurer, je l’étais déjà !!!!

Mais je mentirais en disant que l’affaire des caricatures de Mahomet en 2006 et toutes les années qui ont suivi avec cette conclusion à Charlie hebdo (je ne veux pas dire que ça s’est terminé là pour le monde, mais pour nous caricaturistes, c’était un peu le coup de grâce ) n’est pas un climat à favoriser la liberté totale d’expression.

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H.B. –  Et pour terminer, quelle est, actuellement, selon vous, la question la plus cruciale pour les femmes ? Quel est le droit le plus important à obtenir et qui concernerait tous les pays ?

Cécile Bertrand – Surtout de ne pas reculer, surtout que tous les acquis que nos mères, grands-mères et nous-même avons gagnés au fil du temps ne se perdent pas, que le combat continue, avec les moyens de diffusion, de visibilité, que nous avons maintenant. Ils sont en même temps une grande chance et un grand danger. Grande chance car on sait maintenant que dans les 4 coins du monde des femmes se lèvent et grand danger car cet outil (réseaux sociaux etc) à sa part d’ombre…

Entretien réalisé par Heliane BERNARD

Cécile Bertrand fait partie du Comité international de caricaturistes qui se sont ralliées à notre projet d’exposition itinérante : «  Au bout du crayon, les droits des femmes : caricatures, dessins de presse et liberté d’expression » que Le Crayon organise pour 2018 en partenariat avec France-Cartoons et le Festival du Dessin de Presse et de la Caricature de l’Estaque (FIDEP).

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CÉCILE BERTRAND en quelques dates :

1981 : Premiers livres pour enfants.

1990 : Commence sa collaboration de caricaturiste, dessinatrice de presse dans différents journaux dont Le Vif, L’Expres et La Libre Belgique et chez Axelle (la revue de la Vie Féminine) qui lui « permet d’exprimer tout le bien que je pense de la condition de la femme! »

2003 : Sortie de Les femmes et les enfants d’abord chez Luc Pire (préface de Plantu).

2007 : « Les Poux » chez Luc Pire, recueil des cartoons publiés dans La Libre Belgique.

2007 et 2011 : Grand Prix du Press Cartoon Belgium

2011 : Timbre pour BPost sur le thème: l’humour fait la force.

2016 : Publication de 25 ans de cartoons chez Documenta à Lisbonne.

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