AU BOUT DU CRAYON, INTERNET ET LES RESEAUX SOCIAUX
En 2019, le Web a 30 ans, Facebook , l’un des réseaux sociaux les plus populaires, 15 ans. Comment cette invention technologique qui à l’origine répondait aux besoins de chercheurs de partager leurs ressources, a-t-elle pu devenir le lieu privilégié de la perfidie et de la cupidité humaine ?
« Internet est un instrument universel qui accentue les particularités, paradoxalement » Camel Daoud.
En 2019, le Web a 30 ans, Facebook , l’un des réseaux sociaux les plus populaires, 15 ans. Comment cette invention technologique qui à l’origine répondait aux besoins de chercheurs de partager leurs ressources, a-t-elle pu devenir le lieu privilégié de la perfidie et de la cupidité humaine ?
L’IDÉAL HUMANISTE À L’ÈRE DES TECHNOLOGIES NUMÉRIQUES.
Produits de la science et des technologies numériques toujours plus innovantes, Internet et les réseaux sociaux propulsent l’humanité dans la réalité virtuelle, un nouveau champs des possibles, un ailleurs dont le cœur bat au rythmes des interactions de chacun avec chacun, de tous avec tous. Tim Berners-Lee, informaticien et physicien au CERN, co-inventeur du world wide web « ouvre la perspective d’une nouvelle façon de communiquer par des systèmes distribués permettant l’échange instantané d’informations ». Il déclare que le « véritable potentiel » du Web ne peut être libéré que s’il devient « un espace universel » où n’importe qui, en n’importe quel lieu, peut aller chercher librement des ressources, cela « gratuitement » et « sans permission ». D’emblé, cet univers virtuel s’inscrit dans le domaine de la communication, des partages de ressources et d’informations et se structure autour des principes de la liberté et de la gratuité pour tous. Cet outil de mise en relation des humains les uns avec les autres à l’échelle planétaire leur permet de se sentir « déterritorialisés », affranchis des contraintes spatio-temporelles du réel et donc d’une grande partie de ses normes et de ses lois qui l’organisent. Aujourd’hui, l’humanité semble en mesure de réaliser un de ses nombreux rêves, un rêve aussi lointain que ses origines, au moment où les hommes formaient une seule humanité, vivaient unis et partageaient la même langue, dans une Babylone à leur dimension. Ainsi, Le Web, outil de communication à l’échelle planétaire, permet il aux individus de sentir avec plus d’intensité encore cette humanité partagée. D’un simple clic, il nous rapproche les uns des autres et nous laisse entrevoir la possibilité d’une humanité unie par la connexion.
DE L’UTOPIE … À LA DYSTOPIE
Mais au fil du temps, les internautes expérimentent l’émergence des failles, des imperfections de cet « univers-outil ». Ils constatent que l’absence de limites a davantage d’effets négatifs que positifs et s’interrogent sur l’utilisation qu’ils en font. Le Cyberespace, tel qu’il se déploie aujourd’hui correspond-il réellement à l’image que ses concepteurs s’en faisaient lors de son lancement? Y a-t-il une possibilité de bonheur dans cet univers qui accapare de plus en plus notre temps ? A quels risques s’expose- t-on dès lors que d un simple clic l’on se propulse dans cet univers sans lois, sans normes et sans contraintes ? Quels sont la nature profonde et le véritable visage du Web ? Aurait-on « mis au monde » une créature qui échappe à ses inventeurs ? Et enfin, comment se fait il que la liberté et la gratuité qui organisent cet espace commun posent paradoxalement de nombreux et graves problèmes ?
En effet, l’histoire des réseaux sociaux et plus particulièrement de Facebook , depuis sa création en 2004, est entachée de nombreux scandales. Mark Zuckerberg cofondateur du site web dont il est le président directeur général, est un habitué des excuses publiques. En 2018, à propos de l’affaire Cambridge Analytica, ( pour siphonner les données personnelles de 50 millions d’utilisateurs de face book, la firme Cambridge Analytica a utilisé une application de tests psychologiques), il se présente devant le parlement européen pour, une fois de plus, admettre ses erreurs… Mais, en parallèle de ces scandales politico-financiers qui inondent la Une des plus célèbres journaux du monde entier, d’autres dangers relatifs à la vie privée des internautes sont apparus.
LES JEUNES : DES CIBLES BIEN CANDIDES…
Ces dangers concernent malheureusement tout utilisateur des réseaux sociaux. Mais ils frappent davantage les jeunes internautes qui se retrouvent comme autant de « Candide » dans un monde virtuel bien loin du conte. Le harcèlement des individus, la propagation de fausses rumeurs et de fausses informations deviennent des pratiques courantes qui polluent cet espace de liberté. Bien que virtuel, le Cyberespace ressemble à notre monde réel et n’échappe pas à ceux que Victor Hugo, dans son roman l’homme qui rit appelait « les malfaisants » pour désigner les membres du « Mohock Club », sorte d’équivalent de notre « ligue du LOL » actuelle. Ainsi, nombreux sont les jeunes utilisateurs partis seuls à l’aventure dans le Cyberespace qui se retrouvent meurtris par leur expérience virtuelle. Vulnérables, car n’ayant pas été informés des risques qu’ils encouraient, ils ne savent pas non plus comment faire face et sombrent parfois dans un sentiment de solitude extrême, bien loin de l’optimisme originel. Comment réagir face à ces souffrances individuelles et qui est en mesure de le faire ?
To clic or not to clic… là n’est pas la question !
S’il parait totalement peu envisageable désormais que les individus décident de se passer d’Internet, tant cet outil offre des avantages extraordinaires dans le processus de la démocratisation de l’accès à l’information et aux savoirs , il n’en reste pas moins que nous tous , la société des utilisateurs, nous tous internautes, avons la charge de nous comporter en tant que membres d’une espace virtuel commun de communication en réseau et en tant que tels, de définir dans cet espace, les limites d’une bonne utilisation de la liberté de communiquer. Et pour y parvenir, n’est il pas temps de remettre au goût du jour la réflexion , le débat démocratique, sur le thème de la liberté de Parole d’où émergera une définition commune et adaptée de la liberté et de son usage dans le contexte de la réalité virtuelle . N’est il pas temps d’ajouter un chapitre au contrat social ? Définissons ensemble les conditions du Vivre Ensemble dans une République virtuelle afin que ses dangers inhérents cessent d’impacter négativement nos vies réelles !
Valérie DIREZ