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Les figures de la liberté d’expression : Olympe de Gouges

Les figures de la liberté d’expression : Olympe de Gouges

Heliane Bernard retrace les portraits qui ont marqué l’Histoire de la Liberté d’expression.
Aujourd’hui : Olympe de Gouges.

 

LES COMBATTANTS : LEUR ARME C’EST LA PLUME !

A l’article 7 de la Constitution, la liberté des opinions et de la presse n’est-elle pas consacrée comme le plus précieux patrimoine de l’homme ? Ces droits, ce patrimoine, la Constitution même, ne seraient-ils que des phrases vagues, et ne présenteraient-ils que des sens illusoires ? hélas ! j’en fais la triste expérience …  1793 : Plaidoyer d’Olympe de Gouges, rédigé avant sa comparution devant le Tribunal révolutionnaire.

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largeA partir de 1789, affiches officielles, pamphlets, placards anonymes, déclarations patriotiques, manifestes, se répandent sur les murs de Paris et de province avec une ampleur qu’il est difficile d’imaginer. Collés, déchirés, recouverts, ils jouent un rôle primordial dans l’opinion public. C’est comme une prise de paroles des citoyens. Les politiques en usent pour informer et menacer. Olympe de Gouges énonce ou dénonce. Elle montera à l’échafaud à cause de ses affiches.    Olympe de Gouges est née le 7 mai 1748 à Montauban (France). Femme libre, femme de théâtre et femme politique, elle est peut-être la fille bâtarde de Jean-Jacques Lefranc de Pompignan, son parrain. A 17 ans, on la marie à Louis-Yves Aubry, traiteur à Paris, de 30 ans son aîné. L’année suivante, elle a un fils, Pierre Aubry de Gouges. A dix-huit ans, elle est veuve et libre de rejoindre sa sœur à Paris. Décidée à choisir sa vie, à écrire, elle ne se remariera pas. La loi française interdisant aux femmes de publier sans le consentement du mari, Olympe voulut garder sa liberté.Olympe est une très jeune femme au caractère bien trempé. Son énergie est indomptable. Elle est insolente, révoltée, téméraire, colérique, enjouée et très intelligente. Elle n’a peur de rien. On peut imaginer Olympe avec son front large et haut, dans un visage ovale, ses yeux sombres, un regard de feu, surmontés de sourcils arqués, un regard à la fois assuré, amusé et profond. On parle aussi d’un nez fin et droit, de sa belle chevelure noire bouclée s’échappant d’un petit bonnet blanc en dentelle. Partout où elle passe, Olympe de Gouges mobilise l’attention.     A Paris, elle a une liaison avec Jacques Biétrix de Rozières, directeur d’une compagnie de transport militaire en contrat avec l’Etat. Il veut l’épouser, elle refuse. Ils resteront liés jusqu’à sa mort et il lui procurera une vie aisée. Eduquée par sa mère issue de la bourgeoisie de Montauban, Olympe n’a aucun mal à faire sa place dans les milieux parisiens. Très rapidement, elle s’impose  dans les cercles intellectuels de la capitale. Elle mène une vie mondaine, galante, faisant fi des préjugés. Libertine un peu, – cela lui fut reproché souvent – c’est une femme aux idées bien arrêtées et révolutionnaires. Les « bons » esprits, comme Retif de la Bretonne, la traiteront de prostituée. large    Le théâtre, foyer des idées nouvelles, est sa passion. Elle crée sa troupe, écrit de très nombreuses pièces éminemment politiques sans grand succès. Abolitionniste, elle produit Zamore et Mirza, sur l’esclavage et la traite des Noirs : «  En avançant en âge, je vis clairement que c’était la force et le préjugé qui les avait condamnés à cet horrible esclavage, que la Nature n’y avait aucune part et que l’injuste et puissant intérêt des Blancs avait tout fait ». Sa pièce soulève les passions. Elle sera jouée quelques fois à la Comédie Française en 1785, puis retirée du répertoire en septembre 1785 pendant 4 ans. Théâtre politique, théâtre utopique, exigeant, qui lui vaut la vindicte des conservateurs et des négriers et de nombreuses menaces de mort. Elle est envoyée à la Bastille. Zamore et Mirza ne sera publiée qu’en 1792 sous le titre de L’esclavage des Noirs ou l’heureux naufrage 1.
A la Révolution, elle choisit le camp des républicains. Ardente dans ses positions, elle s’oppose pourtant à la mort du roi Louis XVI. En septembre 1791, elle écrit La Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne où l’on trouve cette phrase célèbre : «  La femme a le droit de monter sur l’échafaud ; elle doit avoir également celui de monter à la Tribune. »,  déclaration accueillie par des quolibets, autant par les femmes que par les hommes. Elle demande aussi l’instauration du divorce. Ce fut d’ailleurs le seul droit accordé aux femmes par la Révolution. C’était, avec le remplacement du mariage religieux par une cérémonie laïque qu’elle réclame, absolument révolutionnaire.
largeEn 1793, elle s’en prend violemment aux responsables des massacres des 2 et 3 septembre 1792. Révoltée par tout ce sang, elle le dit, elle l’écrit : libelles, tracts, affiches ne se comptent plus ! Républicaine convaincue, elle dénonce Marat qui veut étendre à toute la France l’extermination des prisonniers. Elle reconnaît, avec la montée en puissance de Robespierre, tous les signes de la dictature des Montagnards dont elle abhorre la prise de pouvoir.
Une nouvelle affiche, Les Trois Urnes ou le Salut de la patrie par un voyageur aérien, ne lui sera pas pardonnée et va lui valoir la mort. On peut y lire : « Que chacun se prononce librement sur le gouvernement qu’il prétend adopter. La majorité doit l’emporter. Il est temps que la mort se repose, et que l’anarchie rentre dans les enfers. »
medium    Dénoncée par la femme de l’imprimeur, elle est arrêtée le 20 juillet 1793 par les Montagnards. Son manifeste sera jugé « attentatoire à la souveraineté nationale » par le Tribunal révolutionnaire. Inculpée le 6 août 1793 par le juge Jean Ardouin, elle ne renonce pas ! En prison, elle prépare son plaidoyer avant sa comparution devant le Tribunal Révolutionnaire. Elle réussit à faire sortir et à faire imprimer deux affiches qui devaient la disculper : Olympe de Gouges au Tribunal révolutionnaire, et Une patriote persécutée. On peut lire sur ces affiches, largement diffusées sur les murs de Paris :
« Vieux esclaves des préjugés de l’ancien régime, valets gagés de la cour, républicains de quatre jours, il vous sied bien d’inculper une femme née avec un grand caractère, et une âme vraiment républicaine, vous me forcez à tirer vanité de ces avantages, dons précieux de la nature, de ma vie privée et de mes travaux patriotiques…»
C’en est trop pour les Montagnards. Sa parole est trop libre, ses écrits sont des brûlots. Il faut qu’elle meure, tête tranchée. Le plus virulent est  le procureur de la Commune de Paris qui applaudit aux exécutions des femmes qui osent se mêler de politique. Il montre du doigt « cette virago, cette femme-homme, l’impudente Olympe de Gouges qui, la première, institua des sociétés de femmes, abandonna les soins de son ménage, voulut politiquer et commit des crimes… »
Le 31 octobre 1793 les députés girondins sont exécutés. Le 2 novembre, Olympe, après un procès inique, sans avocat pour se défendre, est condamnée. Le jugement est exécuté le lendemain, 3 novembre. Sur l’échafaud, elle crie: « Enfants de la Patrie, vous vengerez ma mort. »
Engagée, audacieuse, généreuse, Olympe de Gouges a été une patriote et une femme d’avant-garde. Elle sera une oubliée de l’Histoire jusqu’après la Seconde Guerre mondiale. Elle sera étudiée aux Etats-Unis, au Japon, en Allemagne. En France, jusqu’à la biographie d’Olivier Blanc (1), Olympe de Gouges restera ignorée, de même que son entrée au Panthéon, repoussée.

Heliane BERNARD

1 – in  Olympe de Gouges, L’Esclavage des nègres, ou l’heureux naufrage, Drame en trois actes, en prose, Paris, mars 1792, 99pp.
2 – Olivier Blanc, Olympe de Gouges, une humaniste à la fin du XVIII° siécle, édit. René Viénet, 2003.

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