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LIBRES PAROLES : CAMILLE BESSE VOUS SOUHAITE « NI DIEU, NICHON! »

LIBRES PAROLES : CAMILLE BESSE VOUS SOUHAITE « NI DIEU, NICHON! »

Nous l’avons découverte dans Causette où elle signe ses dessins sous le nom de Besse mais aime aussi animer des ateliers de dessin de presse en prison ou encore avec des jeunes de quartiers qui zonent un peu…

 

Camille Besse fait ses débuts professionnels dans le graphisme avant de devenir dessinatrice de presse chez Charlie Hebdo. Elle a travaillé ou travaille encore avec CausetteL’HumanitéL’Humanité DimanchePsykopatBakchichNVOZéliumLa Maison ÉcologiqueTsugiBarricade, Arte, Action Contre La Faim, Médecins du Monde…  elle réalise aussi  des ateliers de dessin de presse, en milieu carcéral, en EHPAD (Etablissement d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes), et fait même du dessin en direct…Camille Besse est une jeune femme talentueuse et très active… Elle a généreusement accepté de nous consacrer un peu de son temps pour cet entretien et nous la remercions vivement !

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Le Crayon : Vous participez à l’expo «  Le F.N. au bout du crayon »*, qu’est-ce qui vous a motivé ?

Camille Besse : C’est toujours très bien… nécessaire, d’aller dans des petites villes, des endroits où les gens n’ont pas une offre culturelle folle et d’amener la culture là où on ne l’attend pas. C’est bien de faire cet effort, d’avoir cette exigence ! Aller dans le Nord sur les terres du FN, c’est bien, c’est courageux. Le maire de Villeneuve nous a dit avoir reçu des menaces à cause de cette expo. Nous, vu de Paris, le Front National, on ne sait pas vraiment ce que c’est, on vit dans des villes où peu de gens sont F.N, on est assez privilégiés. Là, sur le terrain, on sent qu’ il y a vraiment des gens qui sont dans la merde donc c’est là qu’il faut parler, c’est là qu’il faut aller les interpeller ! Faire une expo sur le F.N. à Paris, c’est chouette, mais c’est parler à des convaincus. Et puis, les dessins de presse sont faits pour être partagés, si la thématique me plait, je participe, je cherche pas plus loin ! Quand, en plus, c’est fait par des gens de bonne volonté ! Moi, j’admire les gens qui mettent leur énergie, leur temps libre, parfois même de l’argent pour monter ce genre de projet, donc ma place de contributeur, elle est en bout de chaine et elle est évidente !

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Le crayon : Vous avez fait vos premières armes chez Charlie Hebdo en 2008, quels souvenirs gardez- vous de vos débuts, comment s’est passée la rencontre ?

Camille Besse : Ça  a été un énorme coup de bol dans ma vie ! Je suis sortie des Arts Déco en 2008, j’avais fait mon mémoire  de diplôme sur le dessin de presse. Dans le cadre de ce mémoire, j’avais été interviewer les dessinateurs de Charlie parce que pour moi c’était les meilleurs, c’était mes références, c’était vraiment les maîtres. Et j’ai eu la chance inouïe de les rencontrer, je dis la chance parce que je n’aurais jamais osé aller les voir pour leur demander du temps et cette rencontre m’a donné le courage et le prétexte de leur montrer ce que je faisais, mais je n’espérais absolument rien en dehors de quelques conseils… et ils m’ont dit de rester ! Quand je suis arrivée, je n’étais pas du tout pro ! Quand je regarde ce que je faisais à l’époque, il y avait encore du boulot…Ils m’ont dit de m’asseoir à côté d’eux et d’apprendre, j’ai fini mon mémoire et l’école en Juillet, et j’ai eu mon premier dessin publié en octobre,  donc très peu de temps après. Ca a été très très vite grâce à leur générosité…Ils étaient très généreux de leur temps et de leur talent. Voilà, Charlie m’a tout appris !

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Le crayon : Aujourd’hui, vous êtes une professionnelle, c’est quoi le quotidien d’une dessinatrice de presse ?

Camille Besse : Pour moi, c’est un peu compliqué, il n’y a pas de journée type parce que je travaille dans plein d’endroits différents et donc mes journées sont très différentes les unes des autres. Déjà, je travaille pour 5 ou 6 canards différents et par ailleurs je fais des ateliers avec des gamins, des adultes pour partager un peu ma pratique, ça c’est encore une activité très différente, je fais de l’actu mais je fais aussi de l’illustration et donc je bosse chez moi, je bosse à Causette, je bosse à Marianne, j’ai plusieurs lieux de travail, donc tout est très variable… Mais bon, une journée type ce serait écouter la radio, lire le journal pour être un peu au jus, il y a une partie de la journée qui va être dédiée à chercher des idées, une autre qui va être dédiée à finaliser ces idées. Il y aussi des réunions, réunions de rédaction car quand je suis à Causette je participe aussi à la vie du journal, à l’identité éditoriale…et puis il y a aussi et c’est très chiant, tout un tas de paperasse, de factures  comme partout ! Et puis j’aime beaucoup aussi, une fois par semaine à Montreuil dans un centre d’animation, faire des ateliers avec des jeunes, des jeunes de quartiers qui zonent un peu…

Le Crayon : Vous avez dit il y a quelques années,  « être une femme a été un atout, on est si peu nombreuses qu’on est remarquables », êtes-vous toujours en accord avec votre propos aujourd’hui  et pensez vous qu’il y ait une spécificité du dessin féminin, un regard sur l’actu ?

Camille Besse : Aujourd’hui, je continue à penser qu’être une femme est un atout dans ce métier. Est-ce qu’on a un regard particulier ? Oui forcément, le regard est différent, après…Est-ce que dans mon dessin ça se voit…On m’a déjà dit que oui, que mon dessin était féminin, mais moi je ne m’en rends pas forcément compte, j’ai pas l’impression de faire du dessin de nana…en fait, j’espère que je ne fais pas du dessin de nana !

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J’ai fait le choix de prendre mon nom de famille pour signer mes dessins pour pas qu’on puisse savoir que j’étais une femme en lisant ma signature… En fait  j’espère juste faire du bon dessin de presse, pas faire du dessin de nana…ça m’intéresse pas d’ailleurs de faire du dessin de nana. Dans Causette on parle beaucoup de sujets liés aux droits des femmes, c’est ce qu’on me demande. D’ailleurs est ce que ma vie est une vie de femme ? J’ai pas d’enfant, je suis pas une mère célib… Je suis pas sûre que ma place soit spécifiquement féminine, j’ai pas l’impression d’être traitée différemment, d’avoir une vie très différente de celle de mes collègues masculins, mais je suis peut être plus sensible à certaines choses et je suis militante de l’égalité des droits des femmes et de la représentation.  La plupart du temps, mes personnages sont féminins dans mes dessins, pas tellement parce que je me représente mais plus parce que je me dis… bon la plupart du temps quand on fait un dessin, le personnage c’est un bonhomme. Quand on a besoin d’un personnage pour dire un truc ou  dessiner une action, on dessine un bonhomme, le personnage par défaut c’est un homme. Du coup quand on est une femme, si on met une femme comme personnage par défaut les gens disent : « Ah ! C’est une femme ! alors pourquoi ? » Donc je me dis que si on met plus de personnages par défaut féminins et qu’on est de plus en plus nombreux à le faire, à faire l’effort de dessiner autant les femmes que les hommes comme personnage par défaut, alors on fait peut-être avancer l’égalité des droits des femmes par leur représentation dans les médias, voilà c’est une toute petite pierre, mais quand même ! (rires).

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Le Crayon : Y a- t – il des thèmes plus féminins, je pense notamment à un article dans Causette sur le bébé, «  ce grand pollueur » ?

Non, pas du tout ! Cet article je l’ai fait avec un homme, c’est lui qui a choisi le thème ! Tous les mois on choisit un thème, un truc de la vie courante qui pollue sans qu’on s’en rende compte. On a fait les bébés, les comptes en banque, la télévision…ce ne sont pas forcément des sujets féminins ! C’est la ligne éditoriale du canard qui nous permet de faire ce genre d’article !

largeLe Crayon : Pour terminer, je voudrais que l’on revienne sur un autre dessin de vous présenté à l’exposition «  le F.N. au bout du crayon »  et qui  représente fidèlement la photo qui avait fait le buzz dans l’actualité, celle du petit Aylan gisant sur le sable d’une plage en Turquie, pensez-vous que le dessin de presse ait une influence, qu’il puisse changer les choses ?

Camille Besse : Le dessin est là pour apporter un regard décalé, faire marrer, faire réfléchir… Il n’est pas là pour faire changer les choses , la culture, le journalisme n’ont pas vocation à faire changer les choses… même si au fond on espère toujours que ça finisse par faire changer les choses… mais un dessin de presse tout seul je ne pense pas que ça puisse changer grand-chose… ça peut interpeller… le dessin de presse a une grande puissance, surtout à l’heure des réseaux sociaux, c’est la  rapidité avec laquelle on le lit et l’efficacité de son message. Un bon dessin de presse doit avoir un message très efficace qui fait marrer et que les gens ont envie de partager. Moi je suis toujours étonné quand parfois, pas toujours… certains de mes dessins peuvent avoir plus d’un million de vues en 24 h…il n’y a aucun texte qui fait ça, c’est vraiment une spécificité de l’image. Ca veut pas dire qu’on va convaincre toutes ces personnes mais… n’empêche que c’est une idée qui est perçue… c’est une petite goute d’eau, mais c’est peut-être grâce à ces petites gouttes là que les choses changent !!!

Entretien réalisé par Valérie DIREZ

* Exposition itinérante qui a débutée au printemps 2017. Cette exposition est organisée en partenariat avec France Cartoons, (Association de dessinateurs de presse francophones), ex FECO, le F.I.D.E.P (Festival International du dessin de Presse, de la Caricature et de la Satire de l’Estaque) et la Coordination Nationale des Collectifs Citoyens (C.N.C.C.) qui se sont créés dans les diverses villes qui ont été conquises par le FN : Place Publique à Cogolin, Forum Républicain à Fréjus, l’Université Populaire (l’UPOP) de la Fensch  à Hayange, le CRIC – Levier d’actions citoyennes de Mantes La Ville…

Pour en savoir plus sur Camille Besse nous vous invitons  à la suivre  sur son blog et à découvrir le livre que lui a consacré  Virginia Ennor dans la collection des Iconovores publié par Critères éditions. Une collection qui réaffirme que, dans un monde bousculé, la liberté d’expression est une nécessité.

Camille Besse fait partie du Comité international de caricaturistes qui se sont ralliées à notre projet d’exposition itinérante : «  Au bout du crayon, les droits des femmes : caricatures, dessins de presse et liberté d’expression » que Le Crayon organise pour 2018 en partenariat avec France-Cartoons et le Festival du Dessin de Presse et de la Caricature de l’Estaque (FIDEP).

 

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