Quand la Laïcité et le fait religieux forment un couple harmonieux.
En février 2002, Régis Debray, dans un rapport remis au gouvernement, préconise d’enseigner le fait religieux à l’école laïque. Depuis il n’est pas rare de lire et d’entendre ici ou là des voix s’élever et s’indigner contre une telle prescription, pour des raisons très diverses. Mais de quoi s’agit-il ?
La Religion, qu’elle soit monothéiste ou polythéiste, qu’elle se fonde sur le principe d’une révélation, d’une transcendance, d’une immanence … bref quels qu’en soient les principes, relève depuis la loi du 9 Décembre 1905, loi de la laïcité, de la sphère privée. Croire ou ne pas croire ? Si telle est la question, alors chacun est libre de proposer une réponse personnelle et de choisir un Livre sur lequel fonder sa foi. De même, chacun est libre de n’y accorder aucun intérêt, sauf peut-être celui de la curiosité, fondement de toute démarche rationnelle. Cette liberté de conscience n’est pas toujours allée de soi. Nombreux sont les hommes et les femmes qui au fil du temps en ont fait l’expérience létale ! Aujourd’hui, en 2016, la France est l’un des rares pays, si ce n’est l’unique, qui garantisse aux citoyens cet espace de liberté individuelle. Il est permis à chacun de croire, ou pas, sans que cela ait d’incidences sur une vie individuelle se déroulant aussi dans un espace social. Croyants, Athées, Agnostiques, tous sont également traités par la République.
Mais pour parvenir à mettre en pratique la laïcité et éviter qu’elle ne soit qu’un vœux pieux, si l’on peut s’exprimer ainsi… , pour faire en sorte que la coexistence pacifique des uns et des autres existe en pratique, que doit on faire ? Doit-on interdire l’évocation de la religion dans tous les discours, doit-on bannir ou punir ceux qui à un moment souhaiteraient néanmoins témoigner aux autres de leurs sentiments religieux et de leur appartenance à une Eglise ? Si tel était le cas alors la République se transformerait bien vite en monstre violent, sanguinaire, en monstre totalitaire. La laïcité au quotidien ne va pas de soi. Il faut sans cesse en redessiner les contours, elle n’est pas figée dans le bronze, ni dans le marbre. Bref, la laïcité comme tout principe philosophique, éthique et politique doit être sans cesse questionnée, redéfinie, sans cesse enrichie pour satisfaire ou limiter les besoins, eux-mêmes évolutifs, de la société, c’est-à-dire des individus qui la composent. Aujourd’hui, les revendications identitaires des uns et des autres se font de plus en plus pressantes, bien ou pas, ce n’est pas ici l’occasion d’en juger ! Il faudrait cependant être au mieux aveugle et sourd, au pire stupide et autoritaire pour le nier.
Fort heureusement… et c’est à souhaiter, personne parmi ceux qui ont le pouvoir démocratique de gouverner ne semble souffrir de tels handicaps ! C’est donc dans l’intention de permettre aux générations futures de vivre ensemble, en paix et en toute liberté, que l’enseignement du fait religieux à l’école doit être envisagé aujourd’hui.
Dans son ouvrage fondateur Les Règles de la méthode sociologique (1895), Emile Durkheim définit le fait social de la manière suivante : « Est fait social toute manière de faire, fixée ou non, susceptible d’exercer sur l’individu une contrainte extérieure ; ou bien encore, qui est générale dans l’étendue d’une société donnée tout en ayant une existence propre, indépendante de ses manifestations individuelles. » À ce titre, la religion est bien un fait, un fait social, et à moins d’être tabou…rien ne doit empêcher de désirer comprendre ce fait, puis de le rendre intelligible aux autres. Pourquoi les attributs des religions ne pourraient ils pas être passés au crible de la raison ? En tant que fait la religion a sa place dans le champ des sciences humaines. À l’école de la République, enseigner le fait religieux, c’est finalement donner aux élèves les moyens de penser la laïcité pour en comprendre les enjeux : la liberté, l’égalité, la fraternité et… LA PAIX !
Valérie DIREZ
Autres articles traitant de la laïcité :
– Heliane BERNARD, La laïcité, piqûre de rappel.
– Alexandre FAURE, Libres paroles : Marie-Thérèse Besson. (La Grande Maîtresse de la Grande Loge Féminine de France, première obédience maçonnique féminine au monde, répond au Crayon à l’occasion de la commémoration de la naissance de la Loi de 1905.)
Remerciements à Marc Large, à Luz et à Charlie Hebdo, et à Robert Rousso.