Mots à Maux
Voyageuse en écriture comme dans la vie, Chantal Pelletier navigue avec bonheur des nouvelles aux polars, du théâtre (elle a été une des Trois Jeanne) aux romans. Avec sa rubrique Mot à maux : Carton de consolation, Chantal Pelletier joue chaque mois au gré de ses rencontres et de l’actualité, entre mots, et maux. Avec en consolation une œuvre de son choix.
Epidémie de rhume au Rendez-vous des artistes. Dix-huit ans, fringuée et chaussée comme une reine, Fumiko porte un masque qui lui planque la bouche et le nez qu’elle a pourtant jolis. Pas par peur de nos miasmes, mais pour épargner les siennes aux autres. Au Japon, pays poli, très poli, -trop ? -, on préfère s’enlaidir plutôt que de transmettre ses maladies ! On pense aux autres, quoi ! Du coup, au comptoir, ça parle manque de courtoisie dans l’Hexagone – à ne penser qu’à sa pomme, on finit paumés et en compote-. Ça déplore les incivilités et leur prolifération –pourquoi être aimable avec qui ne l’est pas ?-. Ça questionne, ça sermonne et ça postillonne. Des civilisés portés sur les incivilités ? Des pas fiers de leurs concitoyens si arrogants ? Sur tous les fronts, des étiquettes « moi je » sans étiquette pour adoucir les humeurs? L’enfer, c’est n’en avoir que faire des autres ?
Certains esprits chagrins vont jusqu’à extirper de leur larynx décadence, cousin de déchéance, deux mots avec un air de famille à faire tomber bien bas un pays en mal d’accueillir! Mettre dehors tous ceux qui encombrent, tous ceux dont on a une trouille bleue ? Mais dehors où ? Sur une autre planète, tiens, ou dans des plateformes spatiales! Si j’avais un crayon, je dessinerais un ciel encombré d’exclus, de migrants, de condamnés, en orbite autour de la terre, déchus de leurs droits terrestres, entassés dans des Guantanamo extra planétaires qui boiraient toute la lumière du soleil, mettraient la Terre dans une permanente nuit noire, même le Kremlin, la Maison Blanche, et les banquiers assassins, et nous transformeraient tous en dinosaures à disparition. Mais je n’ai pas le talent pour en faire une image.
A propos d’image, saine à défaut d’être sainte, je jette dans la conversation qui commence à me bassiner celle d’une star de plus de soixante-dix balais qui, sans tragédie, a sorti de l’ombre si peu vendeuse les femmes vieilles non cacochymes. Une beauté qui ne cache pas qu’elle a vécu et qu’elle est encore vivante, pas masque de cire tiré à dix-huit épingles, mais splendeur refusant comme nous toutes la date de péremption des yaourts et des pots de confiote. Une actrice qui ne se prend pas pour un mannequin, qui, sans écran, fait vibrer à l’écran une femme simplement sublime, quitte à ne plus s’enrichir grassement en vendant sacs à mains, parfums et crèmes coûtant la peau des fesses. Charlotte Rampling est éblouissante dans 45 ans. J’ignore si ce film entrera dans l’histoire du très grand cinéma, mais il libère une vérité qui autorise toute vieille à être magnifiquement représentée sans être planquée et trafiquée. Une image qui tourne le dos à une misogynie si chouchoutée. Un brandy pour tout le monde en l’honneur de la grande Charlotte. C’est ma tournée !
Chantal PELLETIER
À retrouver sur notre site :
Chantal pelletier – Mot à maux : Et lecteur, mars 2017
Chantal Pelletier – Mot à maux : Amies voix, février 2017
Chantal Pelletier – Mot à maux : Au désir des dames, janvier 2017
Chantal Pelletier – Mot à maux : Envers, décembre 2016
Chantal Pelletier – Mot à maux : Ressasser tue, novembre 2016
Chantal Pelletier – Mot à maux : Soif de pétrole, octobre 2016
Chantal Pelletier – Mot à maux : Fichus chiffres, septembre 2016
Chantal Pelletier – Mot à maux : Promo Pro-Moi, août 2016
Chantal Pelletier – Mot à maux : Parade, juillet 2016
Chantal Pelletier – Mot à maux : Voyage au pays des autres, juin 2016
Chantal Pelletier – Mot à maux : culture culte, mai 2016
Chantal Pelletier – Mot à maux : Chance de chanter, avril 2016
Chantal Pelletier – Mot à maux : Ce n’est pas du sang, c’est du rouge!, mars 2016
Chantal Pelletier – Mot à maux : Carton de consolation, janvier 2016