LIBRES PAROLES : TRAX, LA PASIONARIA DU DESSIN DE PRESSE
Christine Traxeler, alias Trax, fut avocate dans une première vie. Aujourd’hui, le crayon en main elle poursuit son engagement pour une vie plus juste et fait sien l’aphorisme d’Alexandre Vialatte : « la caricature n’est pas de l’art, c’est de l’anarchie. »
« Plus que la liberté d’expression, c’est le droit à l’instruction qui est le combat primordial. » Trax
Le Crayon – l’ensemble de vos dessins interroge sur notre société et ses parts d’injustice. Récemment l’un d’eux met en scène l’affaire Mis et Thiennot, ces deux hommes accusés à tort d’avoir assassiné un garde-chasse, graciés mais décédés l’un et l’autre sans avoir été réhabilités. Vous avez pratiqué la profession d’avocate pendant 7 ans, puis tourné une page en changeant de métier. Pourquoi avoir quitté le monde judiciaire? Et comment en êtes vous venu au dessin de presse ?
Trax – En devenant avocate, je voulais protéger « la veuve et l’orphelin ». Donc … « changer le système » ! Mais je me suis vite sentie beaucoup plus une goutte d’huile qu’un grain de sable dans les rouages d’une société dont je désapprouve très largement les mécanismes.
En matière pénale, je ne suis pas favorable à la prison. De plus, si elle est, faute de ressources pour utiliser d’autres moyens, une des sanctions applicables, je considère qu’elle devrait être appliquée sévèrement aux « cols blancs », aux politiciens corrompus et aux exploiteurs économiques plutôt qu’aux « cols bleus ». Je pense qu’il faut légaliser l’ensemble des drogues et, en attendant, cesser de condamner les usagers… Ce n’est évidemment pas l’échelle de valeurs (et de sanctions) des tribunaux. Je suis obligée de dire que j’étais considérée comme une avocate brillante. Mais même Démosthène ne pourrait faire changer en une plaidoirie les valeurs des Juges, parfait reflet des valeurs majoritaires dans la société.
En matière commerciale, il est notoire que la corruption mine les tribunaux de commerce qui ne sont pas composés de juges professionnels. En matière prud’homale, en première instance, les juges ne sont pas non plus des professionnels et l’arbitraire et l’incompétence règnent en maîtres. J’ai vu un article du Code du Travail cité à contresens pour appuyer une décision injuste à l’égard d’un employeur. Et quel sens cela a-t-il de promettre à un employé qu’il obtiendra la reconnaissance de son droit à un préavis ou à un employeur la reconnaissance de la faute lourde d’un employé licencié … mais dans un ou deux ou quatre ans, lorsque les sommes obtenues seront probablement irrécupérables et inférieures aux frais engagés?
En matière civile, je n’ai jamais demandé à un juge de statuer sur ma vie privée. Les procès liés à la famille infantilisent les individus. Ils sont rarement la voie de l’apaisement qui assurerait le bien-être des enfants. Au contraire, les clients attendent souvent de l’avocat qu’ils relaient des calomnies nuisibles comme beaucoup de gens attendent du médecin des médicaments même inutiles ou nocifs. Je passe sur l’aspect matériel, la paperasserie, les lenteurs… qui ne cessent de s’aggraver si j’en crois mes confrères.
J’ai été déçue par la veuve et l’orphelin que j’idéalisais. Et par le peu de pouvoir de l’avocat en tant qu’agent d’un changement de société.
Par contre, depuis ma démission du Barreau en 1983, je n’ai pas cessé de militer. Et là, je ne me sens jamais une goutte d’huile mais toujours un grain de sable. Et je m’amuse énormément, il n’y a rien de plus dynamisant qu’une manifestation… même si les suites sont souvent décevantes. J’étais à Gênes au lendemain de l’assassinat de Carlo Giuliani et je ne regretterai jamais la grenade qui m’a déchiré le mollet.
Mes compétences juridiques m’ont servi constamment. Le droit devrait être enseigné à l’école, au collège et au lycée. Parfois je me dis que ceux qui pensent que le pouvoir fait exprès de laisser les élèves sans instruction, ont raison. L’instruction est dangereuse pour les gouvernants.
Le Crayon – Beaucoup de vos dessins sont « sans paroles ». N’est-ce pas paradoxal pour une ancienne avocate ?
Trax – D’abord je n’aime pas parler pour ne rien dire. Certains excellents dessins n’apportent pourtant rien au débat de fond. Certains excellents dessins accompagnés de textes dignes de l’Almanach Vermot me font rire. Mais la vie est courte et je préfère regarder les dessins qui font réfléchir, ce qui est souvent le cas des dessins sans paroles. D’autre part les dessins sans paroles sont compris au-delà des frontières de la langue. Ils obligent à réfléchir plus universellement, au-delà des blagues entre voisins. En général les dessins sans paroles sont aussi plus universels par leur intemporalité, le dessinateur n’est pas enchaîné à la mesquinerie de la politique politicienne ou aux redites de l’actualité quotidienne. Enfin en l’absence de paroles, le graphisme doit être fort, se suffire à lui-même, « tout » dire. De même qu’en l’absence d’illustrations, un texte doit se suffire à lui-même.
Je ne dis pas que j’atteins ces buts mais je m’efforce de m’en rapprocher.
Le Crayon – Quelles sont vos références, vos mentors en dessin ?
Trax – Au sommet (qui est très, très haut) Ralph Steadman ; ensuite Boligan, Marilena Nardi : un dessinateur qui use de peu de mots, un dessinateur et une dessinatrice sans paroles, tous ont un graphisme très personnel et des idées synthétiques bouleversantes.
Dans un tout autre genre j’aime beaucoup Sempé, Brétécher et Catherine Beaunez qui ont des regards perçants, aigus, à la fois cyniques et tendres sur la grandeur et la petitesse de la condition humaine. Ils traitent leur sujet avec un humour et/ou une poésie qui me réjouissent et qui ont aussi une influence sur mes capacités de tolérance, d’empathie et de compréhension envers mes semblables.
J’ai aussi des contre-références : j’ai horreur du langage grossier et des obscénités quand ils sont inutiles et ne servent qu’à cacher le manque d’idées de l’auteur(e). J’ai horreur de l’humour plus salissant que drôle.
Le Crayon – J’ai découvert vos dessins dans Le journal alternatif Le Ravi, comment s’est fait votre premier contact avec le Ravi ?
Trax – J’ai habité 28 ans dans le Var à Ampus puis Châteaudouble. J’ai participé à l’organisation de feu le « Festival des Collines » et une année, j’étais chargée des stands associatifs. J’ai choisi d’inviter la presse sans pub dont « Le Ravi ». Mon compagnon d’alors et moi avons hébergé le rédacteur, Michel Gairaud, auquel j’ai montré une série que j’avais faite sur Chirac incarné par un caméléon. Elle lui a plu, il l’a publiée, (en tout petit, illisible, je n’étais pas contente du tout !) et notre collaboration a continué et continue chaque mois.
Ce festival des Collines est un excellent exemple des vertus de ce virage que j’ai pris en quittant la profession d’avocat. Nous lui avons donné une dimension écologique à une époque où c’était nouveau en France (nourriture bio, locale, pas certains sodas, tri des déchets …). Mais notre bande, en-dehors du festival, se retrouvait pour effacer les affreux tags du FN (Le Pen vite, etc). En évidentes représailles, notre festival a fini par être définitivement saboté par la Gendarmerie et la Préfecture. Le résultat a été que notre militantisme a éveillé pas mal de consciences, soit sur l’écologie, soit sur le devoir d’agir, soit sur les réalités du pouvoir, beaucoup plus vite et plus largement qu’une plaidoirie que j’aurais faite dans un prétoire.
Le Crayon – Dans un entretien réalisé en 2015, à l’occasion du Yaka Festival de Montblanc, organisé par les Anartistes, vous faisiez référence à Alexandre Vialatte qui disait que « la caricature ce n’est pas de l’art c’est de l’anarchie », vous ajoutiez que le dessin de presse est un outil militant, une arme, certes non violente mais une arme. Le Ravi est un journal d’investigation, en lui proposant vos dessins vous sentez-vous plus proche de l’art, du journalisme, ou de la militante ?
Trax – Fort heureusement des trois. De l’art parce que dessiner, c’est toujours apprendre à dessiner et que tout dessin est un défi graphique même si on acquiert toujours plus d’aisance. Du journalisme, parce que je lis toujours les articles que je dois illustrer pour chercher de préférence une idée de fond. Ceci dit, je ressens toujours un tiraillement, plus ou moins chatouillant ou gratouillant, entre la caricature qui doit exagérer jusqu’à la dé(sin)formation et le journalisme qui doit analyser sans dé(sin)former.
Du militantisme parce que je partage les valeurs du journal et que je les relaie dans mes dessins. Parce qu’aucun des dessinateurs du Ravi ne pourrait vivre de ce seul travail et ce ne sont pratiquement que des « dessins de soutien ». Accompagnés de ventes de dessins de soutien, de dessins de soutien en live pendant les concerts de soutien, etc. Mais ces manifestations sont des moments de grande fraternité qui valent mieux qu’un gros salaire dans une boîte qu’on exècre.
Quant à la non-violence, si l’on me dit que mes dessins sont violents, c’est un compliment.
Le Crayon – Vous avez dit que dessiner était pour vous une façon de sortir le noir, de ne plus porter la part sombre de notre humanité. En janvier 2015, vous aviez notamment réagi avec vigueur devant la violence des meurtriers. Votre dessin se présentait comme ce qui aurait pu être une « Une » de Charlie. En tuant Cabu, Charb, Tignous, Honoré, Wolinski, c’était aussi l’humour, le droit de rire qui était remis en question. L’humour a-t-il une place dans vos dessins ?
Trax – Au lendemain de ces assassinats, j’ai fait une fausse couv’ de Charlie « 1er jour des soldes, 12 morts ». C’était la reprise de la couv’ de Charlie sortie à la mort du Général De Gaulle « Bal tragique à Colombey, 1 mort ». Je crois que c’était violent et que c’était une interrogation forte sur ce qui est violent ou irrespectueux au-delà des limites acceptables, et aussi nécessaires dans un dessin et quand on use de la liberté d’expression.
Mon humour est toujours noir. Et même sinistre. D’ailleurs j’ai l’impression d’être de moins en moins drôle. J’aime beaucoup qu’on me dise que mes dessins sont très durs. Pour moi, c’est un très grand compliment. Je crains que, souvent, faire rire les gens c’est les aider à avoir bonne conscience; ils se disent « je ris donc je suis lucide, mieux vaut en rire qu’en pleurer, youpi, tout finit par des chansons et hop, je vais retourner consommer, rassuré par ce rire que je partage avec des gens qui pensent comme moi». Mais il faut vivre au plus près de ce qu’on pense.
Je veux surtout faire réagir les gens, en espérant qu’après la réaction, il y aura l’action.
Je fais beaucoup de dessins sur la consommation et les liens entre ce que nous consommons ici et les horreurs qui se passent sur le lieu de production. J’espère qu’ils choquent, qu’ils marquent les cerveaux. Parce que c’est très simple de changer le monde, il suffit de changer de consommation.
Les deux premiers pas sont très simples: on change de menu et on change de banque; il n’y a qu’une banque de financement solidaire en France qui n’a d’argent ni dans le nucléaire ni dans l’armement, mais il y en a une, la N.E.F. L’apathie du consommateur, qui a tant de pouvoir sur la marche du monde, me glace.
Le Crayon – Encore récemment plusieurs de vos dessins mettent en scène la situation politique en Turquie et notamment la question de la répression et de l’arrestation de journalistes : Le plumier cadenassé, la boite/cage enfermant les souris d’ordinateurs. La liberté d’expression est-elle pour vous le combat-phare d’aujourd’hui ?
Trax – Ce serait trop simple de répondre oui.
La liberté d’expression est un outil. Respectée, épanouie, elle est l’instrument par excellence de la démocratie.
Mais elle est, comme la langue pour Esope, la meilleure et la pire des choses : si celui qui l’utilise est menteur ou mal informé mais beau parleur ou bel écrivain, il fera circuler des mensonges. Surtout si sa séduction est relayée par les media et préférée à son sérieux. Voyez les thèses négationnistes ou … les mensonges de l’extrême-droite israélienne. On dit que Trump a gagné parce que les media s’attendaient à une campagne ennuyeuse, gagnée d’avance, qui nuirait à l’audimat, et que c’est pour faire de l’audience qu’ils ont donné la parole à ce pitre dangereux.
Interviewé par Mediapart sur Notre-Dame-des-Landes, Macron disait « il y a un moment où la démocratie doit s’appliquer, il y a eu une majorité de votes en faveur du projet ». Les journalistes n’ont pas eu la présence d’esprit de lui répondre que l’enquête était partiale, orientée, que les votants avaient été mal informés, que des experts de même valeur que les enquêteurs mais opposés au projet n’avaient pas eu un égal accès au public pour exercer leur liberté d’expression.
Plus que la liberté d’expression, c’est le droit à l’instruction qui est le combat primordial. Par provocation, je dirais que, dans le monde médiatique d’aujourd’hui, dans le monde connecté où circule autant d’ignorance que de savoir, il faut se défier de ceux qui usent trop bien de leur liberté d’expression pour exprimer n’importe quoi.
Le combat essentiel, celui que les gouvernements ne veulent pas mener préférant s’acheter des armes, c’est de faire grandir un peuple instruit, cultivé, réfléchi, philosophe, humaniste, amoureux du Beau; celui-là saura séparer le bon grain de l’ivraie (je suis athée mais j’aime bien l’image), la liberté d’expression de celle de mentir.
L’écologie est l’autre combat primordial, profondément politique, humaniste, (alter) mondialiste, qui englobe tous les autres.
Ceux qui profitent de la possibilité de surconsommer n’ont majoritairement aucune envie de renoncer à quoi que ce soit, qu’il s’agisse du consommateur lambda ou de la multinationale, quel que soit le prix que cela coûte à leurs Frères humains et à la planète. Contre eux, malheureusement, on ne pourrait faire avancer les choses suffisamment vite, car il y a urgence, qu’au détriment de la liberté d’expression. Il faudrait empêcher de s’exprimer les climato-sceptiques, les industriels du diesel, les technocrates, TF1, et bien d’autres.
Mais qui, dans ce monde si complexe scientifiquement parlant, s’arrogera le droit de dire « celui-là en sait assez, qu’il parle ! Celui-là ment, qu’il se taise ! » ? René Dumont? l’Abbé Pierre? Albert Jacquard? Nelson Mandela? Ah non, trop tard et ils ne l’auraient pas fait … Trump? Poutine? Ils le font déjà.
Pour empêcher la surconsommation destructrice, il faudrait enlever toute possibilité d’expression aux quelques centaines de multinationales qui inondent l’environnement et les cerveaux de publicité mensongère et criminelle. Mais je ne veux surtout pas salir les beaux mots de liberté d’expression à leur sujet. Ce que ces firmes utilisent n’est que le pouvoir de l’argent et l’appétit du lucre qui n’ont rien à voir avec la liberté d’expression ; mais elles occupent tout l’espace, physique et mental. Je fais partie de mouvements qui militent contre l’invasion publicitaire. Nous avons obtenu qu’un Tribunal souligne que la Constitution garantit la liberté d’expression et que les lois et règlements qui donnent à la publicité quelques droits d’occuper l’espace public ne sauraient que se soumettre à la Constitution, loi suprême. En conséquence de quoi, il nous a relaxés des poursuites pour avoir écrit des slogans anti-pub sur des pubs. Citoyens, à vos feutres!
Il y aurait encore des pages à écrire sur la liberté d’expression et sa diffusion mondialisée qui modifie singulièrement les conditions, les conséquences et les responsabilités attachés à l’exercice de cette liberté ; mais j’entends ronfler le lecteur.
Le Crayon – Quels sont vos liens avec United Sketches ?
Trax – J’en suis membre. Comme de Cartooning for Peace. Comme de France-Cartoons (association des dessinateurs francophones). Je voudrais y consacrer plus de temps mais mon emploi du temps militant est très chargé (notamment à cause de mes compétences juridiques, rédactionnelles et orthographiques très sollicitées !). En tous cas, je suis membre de ces associations parce que ce sont les lieux où l’on peut apporter un soutien de poids aux confrères emprisonnés, des organisations à travers lesquelles on est appelé à discuter et donc à échanger des savoirs en milieu éducatif, carcéral ou public. Kianoush Ramezani, son fondateur, est en outre un ami, un excellent dessinateur (sans paroles !) et un homme d’une extrême courtoisie.
Le Crayon – Parmi vos dessins, vous avez illustré la proposition de loi déposée au Sénat par le sénateur Europe écologie, André Gattolin le 24 juillet 2015 pour lutter contre la publicité dans les programmes télé destinés au jeune public. Quel est d’une façon plus générale, votre regard sur la place de la publicité dans les médias ?
On a gagné d’ailleurs, la proposition a été adoptée !
Je n’ai pas la télévision et je vais voir des films plutôt confidentiels ou de ciné-club. Je lis Le Monde mais je boycotte le M magazine à cause des pubs. Je ne fais pas d’achats sur Internet (à part les billets de train) pour préserver le petit commerce de rue. Je suis donc assez préservée. Mais j’ai renoncé à écouter TSF Jazz et France-Inter à cause de la pub. Et j’habite Paris qui est devenue une ville-sandwich, … à vomir. Et je vois que l’espace où le Beau peut se contempler en paix, loin de tout mercantilisme, se réduit sans cesse.
Il faut aller sur le site « antipub.org » pour constater les dégâts. Et tous nos efforts de David contre Goliath. Mais vous connaissez l’histoire, David a gagné.
Là encore, militer dans la rue est beaucoup plus rigolo et efficace que militer à la barre. Le public est plus large, nos interventions colorées sont soutenues par des fanfares et parfois la Brigade des clowns, les conversations s’engagent avec les badauds ET les policiers.
Le Crayon – Vous vous déclarez militante écologique, votre dessin mettant en scène le député d’Europe Écologie, « Denis B(e)aupin » accusé de harcèlement sexuel, laisse transparaitre aussi une autre forme d’engagement ?
Trax – C’est un dessin grivois parce que le sujet s’y prête avec un jeu de mots de pleine actu. Je le considère comme anecdotique.
Mon engagement féministe est un peu particulier. J’aime représenter des femmes banquières ou « cheffes » d’entreprise, ou harceleuses sexuelles, Les personnes qui prétendent que le monde serait en paix s’il était gouverné par des femmes m’horripilent. Vous voyez : je défends la Justice et l’égalité entre les sexes.
J’ai aussi représenté deux femmes vêtues d’une ombre de tissu et se plaignant que « les mecs ne pensent qu’au sexe ». Les femmes qui exhibent leurs corps au-delà des limites de l’imagination et se plaignent d’avoir des réponses sexuelles me navrent. Montrer ses cuisses en prétendant qu’il n’y a là aucun message sexuel, c’est nier sa sexualité comme la pire des bigotes. Je n’ai rien à dire contre l’exhibition du corps mais il faut accepter les réponses adéquates. Le cuistot qui apporte un rôti, doit s’attendre à une appréciation sur sa cuisson pas à une question sur la Critique de la Raison pure. Pas en premier lieu, en tous cas.
Le Crayon – Les attentats de Janvier et novembre 2015, Nice… Au rouge et noir récurant sur l’ensemble de vos dessins se sont surajouté le bleu, le blanc et le rouge symboles de Marianne. Quelle place donnez vous à la couleur dans votre travail.
Trax – Pas assez. Les délais de réaction sont souvent courts. Pour le Ravi, je me sers de Photoshop pour la mise en couleurs. Au début je culpabilisais, je me disais que je devrais mettre en couleurs au pinceau, à l’aquarelle, à l’encre. Puis j’ai ressenti que finalement ma tablette graphique est un vrai outil aussi noble qu’un pinceau. Cependant, quasiment autodidacte, je souhaite ardemment trouver le temps de manipuler la couleur en m’approchant de l’ombre de l’ombre de l’ombre de la cheville de Ralph Steadman.
Le Crayon – Notre association va lancer dans les semaines qui viennent une exposition itinérante « Le F.N. au bout du crayon : Caricatures, dessins de presse et liberté d’expression ». Cette exposition sera organisée en partenariat avec France-Cartoons (association des dessinateurs francophones) le F.I.D.E.P et la Coordination Nationale des Collectifs Citoyens qui se sont créés dans les diverses villes qui ont été conquises par le FN : Beaucaire, Béziers, Cogolin, Fréjus, Hayange… Avez vous consacré un ou des dessins à la question du FN ?
Trax – Oui, qui sont parus dans le Ravi. Ils sont certainement sur mon blog.
Le Crayon – Dans l’histoire de l’extrême droite ou du F.N. quel fait ou quelle phrase vous a le plus scandalisé ?
Trax – Je n’ai pas de mémoire et, dans ce cas, heureusement. Ceci dit, il est difficile de se choquer d’une phrase plutôt que d’une autre.
Ce qui me choque le plus c’est la contradiction entre le programme et ceux qui l’incarnent avec des responsabilités politiques. Comment leurs électeurs peuvent-ils continuer à voter pour un parti où les moutons noirs sont si nombreux et si noirs (mais rarement noirs d’ailleurs)?
Mais comment Médecin a-t-il pu être réélu, etc, etc …
Le Crayon – Que redouteriez vous le plus dans le cas d’une victoire de Marine Le Pen aux prochaines élections présidentielles ?
Trax – Des chasses à l’Homme, étranger ou qui semblerait l’être. Par la poliçe officielle, par des milices privées, par des ratonneurs-« citoyens ». La délation partout, la surveillance partout.
Le Crayon – Le F.N. vient de présenter son nouveau logo pour les prochaines élections : Une rose bleue, dont la tige sépare le slogan « Marine / présidente ». Si vous aviez à imaginer un logo pour le parti du Front National, quelle forme prendrait-il?
Je dois vous envoyer cette réponse rapidement et franchement je n’ai ni le temps ni l’envie de réfléchir au sujet. Mais si une idée me vient, plus intéressante qu’un banal étron éculé, je vous l’envoie.
Le Crayon – Pour conclure, y a t-il un dessin dont vous auriez aimé être l’auteure ? Dans un même ordre d’idée, vous ne cachez pas votre passion pour la musique. Qu’en est-il de votre rapport à la littérature ? Y a-t-il un texte ou un poème que vous aimez particulièrement et dont nous pourrions reproduire un extrait?
Trax – Musique : « In a sillent way » de Miles Davis est le disque que j’emporterais sur une île déserte.
Dessins : J’aimerais être l’auteure de tous les dessins de Ralph Steadman, tant qu’à faire. De Pignon-Ernest et Banksy, également (du noir et blanc !).
Littérature : Les lettres de Vincent Van Gogh à son frère Théo (il y a sur mon blog un texte contre le Van Gogh de Pialat, une honte !). Certains passages du journal « La Feuille » de Zo d’Axa. Des textes d’Alexandre Marius Jacob. Des textes de Nelson Mandela « I had a dream » de Martin Luther King. Certains passages de « La tête des autres » de Marcel Aymé. Des extraits de « Seins » de Ramon Gomez de la Serna qui n’a écrit que des livres étonnants. « Le dernier jour d’un condamné » de Victor Hugo. « L’exécution » à propos de Buffet et Bontemps de Robert Badinter. « Madame Bovary » de Gustave Flaubert…
Entretien réalisé par Alexandre FAURE
N’hésitez pas à suivre l’actualité de Christine Traxeler, alias Trax sur son blog.
Trax fait partie du Comité international de caricaturistes qui se sont ralliées à notre projet d’exposition itinérante : « Au bout du crayon, les droits des femmes : caricatures, dessins de presse et liberté d’expression » que Le Crayon organise pour 2018 en partenariat avec France-Cartoons et le Festival du Dessin de Presse et de la Caricature de l’Estaque (FIDEP).
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